chris

ces années-là tu habitais paris
impasse des petites écuries
une mansarde où la pluie faisait rage
tu sortais peu de tes livres de cours
la nuit tombée les chats des alentours
venaient partager tes rêves trop sages

je n’étais pas expert en sentiments
j’avais encore l’âme du débutant
le vertige des premières conquêtes
timidement je passais certains jours
boire un café te faire un brin de cour
ou réparer quelque peu ta fenêtre

tu me fis découvrir sur ton teppaz
à quatre sous le gospel et le jazz
le golden gate chantant sous les averses
tu me fis lire mes tout premiers vers
francis carco guillaume apollinaire
l’illuminé cendrars et saint-john perse

un jour tu récitas je m’en souviens
par cœur « la prose du transsibérien »
« dis blaise sommes-nous loin de montmartre ? »
et la petite jehanne esseulée
posa sur ma bouche comme un baiser
j’en garde encore la saveur intacte

je te jurai un amour éternel
qui dura bien jusqu’après la noël
puis je partis vers d’autres aventures
et nous voici bien plus tard et tu dis
je resterai avec toi cette nuit
en souvenir d’une ancienne blessure

sur « La princesse et le croque-notes », Brassens
1983