l’automne

et l’air froid sur les valérianes
mon foulard détricoté
une femme traîne dans la pluie
parle-moi du pain de l’automne
sous un doigt de feuilles jaunies
de poussière dans le matin
les enfants le visage sale
s’égratignent aux haies du chemin

moi aussi on m’a réveillé
dans l’eau grise de l’orage
la chemise bercée de sciure
comme un verre vide à la fenêtre
sous des seins de mauvais papier
un détour par le silence
et ma mère on dirait la brume
comme hier l’odeur de la terre

je ressemble à ces poches vides
des gamins après l’école
au nylon froissé des armoires
qui s’endort au chaud de la mort
je ressemble à cette tisane
dans le bol de terre cuite
au profil douloureux des gares
on dirait un peu les moissons

parle-moi de ma vie ouverte
le poil roux de nos amours
et la craie barbouillée de pluie
qui se couche au fond de tes yeux
je voudrais vivre sur les murs
une affiche et rien de plus
qu’on déchire et dépoitraillé
m’en aller d’un rire insolent
je voudrais vivre à la vitrine
d’un commerce de chevaux
m’écraser comme un pleur séché
à l’écorce cassée de l’automne

musique Gérard Eloy, Pascal Fontaine, Patrice Mallard
1974-75