la taule

c’est le jour sale et gris aux carreaux de la vie
qui prend pour l’Italie le mégot de la nuit
c’est ce mur indécent où s’écrit le printemps
dans l’obscur tremblement d’un crépit de chiendent
c’est le ciel grillagé le parcours barbelé
d’une belle à crever au détour de l’été
c’est l’espoir d’un orage pour rêver de voyage
c’est l’cafard-bastingage d’exilés sans bagages

c’est la main généreuse qui joue les allumeuses
le chagrin qui se creuse au chevet sans veilleuse
c’est la voix entêtée ressurgie du passé
qui tout bas vient cogner sans répit ni pitié
c’est le cri solitaire d’un amour de misère
c’est la nuit de l’hiver tous les jours à se taire
c’est la clef du maton pour bénir les saisons
et rythmer la chanson d’un désir de baston

c’est la lettre imprévue d’une femme éperdue
c’est la fête entrevue d’une amour revenue
c’est un gosse attendri au regard qui sourit
c’est la noce d’un ami qui prépare sa sortie
c’est des tonnes de romans où glisser tendrement
quand l’automne redescend verrouiller le couchant
c’est la vie devant soi malgré tout et qui bat
pour durer pas à pas jusqu’au dernier crachat

sur la musique de « Jolie môme », Léo Ferré
1983