portraits d’automne

cette vie a passé sans qu’on y prenne garde
dans des rires d’enfants éblouis au soleil
le dimanche on mettait un bouquet sur la table
au jardin tu soignais tes fleurs et tes chagrins
on écoutait assis près de la T.S.F. les nouvelles du monde s’entasser sans bruit
et j’aimais cette odeur discrète de violette
dont tu te parfumais parfois les jours de fête

les enfants ont grandi comme une chanson claire
qui murmure et s’élève et remplit la maison
tendres soirs attardés devant la tisanière
petits matins fiévreux de hâtives leçons
que de fois tu as fait le chemin de l’école
pour sécher d’un baiser l’encre des punitions
et celui des amours absolues de leur âge
dans le doux souvenir de nos lointains orages

le printemps cette année est venu en avance
nous saisissant tous deux d’un bonheur hésitant
et fragile à mi-mots comme une confidence
une lettre gardée dans les tiroirs du temps
je te vois livre ouvert au chaud de la verrière
paresseux à tes pieds le chat vient se coucher
ce soir il y aura d’autres rêves à faire
et tant de pages blanches sous notre oreiller

sur la musique de « Je voudrais une fête étrange et très calme », Jacques Bertin
1981